Première rencontre ... Again [Ashray&Keira]

Deux mois. Soixante-et-un jours. Mille quatre-cent soixante-quatre heures passées dans le brouillard le plus épais. Pourtant, elle ne se rendait même pas compte du temps qui passait. Le pire, c’était qu’elle s’en foutait complétement. Pourquoi ? Parce qu’il n’était plus là. Il était partit. Mort. Disparu. Décédé. Tout ce que vous voulez. Une nouvelle perte pour elle. Comme si elle n’en n’avait déjà pas suffisamment bavé.

Keira avait passé un mois dans la déprime totale, cloitrée dans sa maison. Dans sa chambre, sur son lit dans les draps, ou bien assise sur une chaise face à la fenêtre. Elle n’avait même pas profité d’une heure au soleil. Elle était restée enfermer, à pleurer sur la mort d’Ashray. Elle avait passé une semaine encore en France. Mais dans sa maison, elle n’avait fait que pensée à lui. Chaque objet, chaque meuble, chaque pensée le ramenait à lui. Ça avait été particulièrement douloureux. La pire période surtout. Seulement, Lily avait voyagée de San Francisco jusqu’ici pour la sortir de là. Avec bon nombre de moyens de persuasion, elle était parvenue à l’emmener avec elle. Cela s’était à peine amélioré. Etant une vampire les émotions étaient amplifiées ; quand on était triste, on avait l’impression de s’écrouler, quand on était énervée, on avait des envies de meurtre, quand on ressentait de la peine, on avait l’impression d’être morte avec quelqu’un. C’était ce que ressentait la jeune femme. Peu après un mois, ses compagnons vampires la persuadèrent de continuer à vivre, comme avant. Bien que ce soit difficile, elle avait essayée. Et y était à peu près parvenue. Le mois suivant elle n’avait fait que réfléchir aux agissements des chasseurs, qui demeuraient presque incertains, à croire qu’ils se faisaient de plus en plus discrets. Elle analysait chaque décision politique ou quoi avec attention. Il n’y avait que ça qui comptait pour elle. C’était l’objectif qu’elle s’était fixée depuis trois ans, alors le poursuivrait. Avant la fin. Oui, il ne faut pas se leurrer, elle avait bien pensé à l’inévitable. Mais aurait-ce été intelligent ? Pas vraiment. Ça aurait prouvé qu’elle ne s’accrochait plus à rien, que ce n’était qu’une lâche qui ne voulait pas affronter la situation. Elle n’était pas comme ça, alors même détruite, vaincue par ses sentiments, elle avait trouvé la force de se relever. Elle avait déjà essuyé des pertes, mais celle-là était vraiment douloureuse. On aurait vraiment cru qu’elle allait rendre les armes, et s’abandonner dans la déprime. Donovan et Shane avaient été convaincus de ça au bout d’un moment, contrairement à leur amie Lily qui n’avait pas cessé de garder espoir. Et qui avait trouvé l’espoir de guérir Keira. Mais les blessures qui lasseraient un cœur brisé ne se dissipaient qu’avec le temps. Oh de temps elle n’en manquait pas, l’éternité lui appartenait. Mais à quoi bon de passer l’éternité seule ? Ça ne l’intéressait pas.

Donovan lui reprochait de se plonger dans sa quête de manière trop intensive. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Rien ne l’intéressait à part ça. C’était sa façon de persévérer. Ça lui donnait une raison de se lever chaque nuit. Car oui elle s’était remise dans le quotidien nocturne des membres de son espèce. Pas étonnant. Même si la journée, elle dormait rarement. Ses nuits étaient hantées par des songes, à chaque fois. On l’avait trouvé de nombreuse fois, en sueur, tremblante, dans son lit. Le retour brutal de la réalité. Ses entraînements étaient plus corsés aussi. Elle s’exerçait également directement sur le terrain. Elle avait laissé tomber les poches de sang et s’était remise à la traque. Il s’en était fallu d’un cheveu pour qu’elle abandonne son humanité, comme bon nombre de vampire l’avait fait avant elle. Lily avait fait en sorte que cette idée sombre s’envole.
Ce n’était rien comparé au décès de sa mère. Les mois suivants, elle avait retrouvé sourire, le goût de la vie. Elle s’était montrée sincère envers elle-même. Mais maintenant, elle s’était lassée de tout ça. La brune souriait, certes, mais ses sourires sonnaient faux. Malgré son talent d’actrice, ses proches reconnaissaient très bien le symptômes de la tristesse et du deuil. Elle se mentait à elle-même, se disant que tout allait s’arranger, qui lui faudrait du temps. Mais même à vingt et un ans, elle avait l’impression d’avoir vécu un siècle. Son existence n’était qu’un rêve illusoire. Evidemment elle faisait la fière, celle qui s’était remise au bout du compte, mais personne n’avait conscience du vide qui abritait désormais son cœur.

Aujourd’hui, on était au début du mois de Mars. Keira s’était décidée à revenir à New York. Une dispute avait éclaté entre elle et les autres, Lily la première car elle savait bien qu’elle n’était pas rétablie. Elle craignait que sa meilleure amie fasse une énorme bêtise. Pourtant ses raisons étaient essentiellement professionnelles. Elle devait toujours enquêter sur le repaire des chasseurs qu’elle avait localisé avec son collègue. Un retrait en banque l’avait incité à retourner sur les lieux. Lily avait capitulé. La voilà, arpentant Brooklyn. Cette fois-ci elle était accompagnée. La dernière fois qu’elle était venue c’était quand elle avait rencontré Ashray. Ce n’était pas de bon cœur qu’elle retournait dans ce quartier, bien au contraire. Jamie, un vampire qui connaissait pas mal de gens et de bons coins, blond aux yeux noirs, avait accepté sa proposition de l’accompagner à un casino dont elle avait oublié le nom. Ca n’avait pas d’importance. Keira avait fait son choix vestimentaire de manière basique : une robe noire qui s’arrêtait à mi-cuisse, sans bretelle, des escarpins de la même couleur. La seule chose qui cassait cette tenue sombre était le magnifique collier qui mettait l’accent sur son décolleté. Le collier que lui avait offert Ashray quand il lui avait demandé d’être sa petite copine. Elle avait réussi à le chourer discrètement avant son départ. C’était sa façon de penser à lui, de lui rester fidèle en quelque sorte, même s’il n’était plus là. Elle avait beau avoir mis toutes les robes et les chaussures qu’il lui avait offertes au fond de son armoire, ce bijou tenait trop d’importance pour elle pour s’en séparer. Ce n’était pas à cause de son prix mais de sa valeur sentimentale.

Arrivés en face du casino, ils échangèrent un regard entendu. Une fois à l’intérieur ils balayèrent la pièce, inspectant l’étendu, vérifiant les entrées sorties, les gens présents. Ils arpentèrent la salle quelques minutes, parlant avec quelques personnes. Keira se déroba en sentant quelques regards appuyés sur elle. Elle proposa à Jamie d’aller voir si la personne qu’ils cherchaient se cachait autre part. Sur le qui-vive, elle pénétra dans bon nombre de pièce adjacente. Enfin elle se retrouva devant une porte, où elle sentait la respiration de deux personnes. Elle tendit l’oreille, mais n’entendit rien de suspect. Bon, par précaution, elle entrouvrit la porte. Elle faillit rougir en reconnaissant deux hommes qui se roulaient des pelles en privée. Alors qu’elle allait glisser une excuse et s’en aller, elle croisa un regard. Bleu océan captivant qu’elle connaissait bien. Son visage lui apparaissait brusquement, la clouant sur place. Son visage exprimait sans difficulté le choc qui la traversait. C’était Ashray. Par conséquent, elle fit la seule chose qui convenait à la situation.

Elle s’évanouit, allongée au sol, sur le côté, laissant la porte ouverte.

-Mademoiselle, mademoiselle, réveillez-vous.

Une voix venue de loin, très loin. Keira avait l’impression d’être bloquée dans un rêve. Le son de la voix de l’inconnu lui parvenait jusqu’aux oreilles. Elle plissa légèrement les yeux, la vue embrouillée. Elle rencontra un regard. Encore un peu groggy, elle s’imagina planter ses yeux dans ceux de son amant décédé.

-Ça va ? Demanda-t-il, la voix transpercée par l’inquiétude.

Elle avait l’impression de rêver. Rectification, elle rêvait. Mais ne s’en rendait pas compte. Ou plutôt n’avait pas envie d’y croire. C’est pourquoi quand il l’embrassa, le savoura pleinement le contact. C’était une bouffée d’oxygène. Elle n’avait embrassé personne depuis ce fameux jour. Et savoir que c’était lui, tout son être le réclamait, la brûlait, la consumait. C’était intense et tellement délicieux. Son cœur tambourinait dans sa cage thoracique. Ses lèvres brûlaient à cause de leur baiser. Quand il se recula, elle en fut déçue. Encore un peu ensommeillé, la vision quelque peu troublée, elle se laissa faire quand il voulut la redresse. Une fois debout, bam, le retour à la réalité. La jeune femme se retrouva face à des yeux … verts. Avec des cheveux noirs. Il était séduisant, certes, mais ce n’était pas son Ashray. Ce n’était pas lui. Elle en fut horriblement déçue. Un étau pesa sur sa poitrine. Evidemment, ce n’était pas lui. Il était mort. Et ne reviendrait jamais. Elle ne se posa même pas la question du pourquoi il l’avait embrassé. Elle s’en fichait. Et ce baiser lui paraissait … outrageant maintenant. Sale. Inapproprié. Elle le regretta amèrement. Tandis qu’elle s’apprêtait à le rembarrer, il s’excusa, l’air honteux, la tête baissé. Son comportement était vraiment bizarre. Il embrassait une inconnue alors que tantôt il caressait et posait ses lèvres sur un homme. Vraiment … étrange. Elle le regarda, sans colère ni rien. Juste l’air … perdu. Elle murmura un « Il faut que j’y aille » et sans demander son reste, elle s’éclipsa, l’esprit embrumé. Non non c’était horrible. Ses espoirs étaient réduits à néant. Une nouvelle fois. La démarche incertaine, elle marcha sans but précis. Bientôt elle se retrouva dans le centre du casino. Les voix éclatèrent brusquement, le bruit des jeux, des rires des conversations. Tous ceci cumulés. Elle voulait fuir. Sortir de cet endroit oppressant. En chemin elle entra en collision avec Jamie qui la regarda avec méfiance. Il devina sans peine qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. La vampire lui répondit qu’elle devait sortir. Il ne comprit pas ; et lui demanda si elle voulait toujours voir si Mr. Vanderbilt était présent. Elle secoua lentement la tête. Ce n’était pas sa préoccupation pour le moment. Elle lui demanda de lui accorder quelques minutes seule, avant de se remettre à sa recherche. Quand il hocha la tête, elle lui demanda une cigarette et un briquet. D’abord soupçonneux il finit par plier sous son regard insistant. Il lui donna ce qu’elle demandait et elle sortit, poursuivie par des regards curieux. Dehors l’air était tiède et la pénombre régnait dans le domaine. Elle s’éloigna légèrement de la sortie et s’assit sur les marches menant au casino. Elle se ficha des gens rassemblés dehors. D’une gestuelle distraite elle alluma la cigarette et la porta à sa bouche. Elle tira une bouffée. Ca faisait du bien. Cela lui permettait de décompresser surtout. Oui, une autre mauvaise habitude qu’elle avait récupéré. Au bout de quelques minutes ainsi, elle soupira, lasse, vaincue.

-Ca ne s’arrêtera jamais …

Keira maudissait sa vie, sa situation, sa tristesse qui ne voulait pas s’effacer. Malgré les efforts qu’elle déployait pour l’oublier. C’était encré dans son cœur et ne voulait pas la lâcher avant de l’avoir détruite. Sauf qu’elle ne comptait pas se laisser aller et s’abonner à cette idylle déprimante. Rien ne pourrait arranger ça. Ni personne. C’était comme ça.
Quelqu’un apparut dans son champ de vision. Enfin, des jambes, avec des pieds. Oh. Elle leva les yeux, l’air blasé. C’était un type grand, avec des cheveux bruns courts en bataille, le teint pâle, une mâchoire carrée avec des muscles bien dessinés. Il portait une tenue très alléchante, un costard sans cravate, le col relevé, les manches au niveau des coudes, quelques boutons de la chemise ouverts, avec des lunettes de soleil. Canon, en gros. Le genre de mec qui faisait fondre la vampire. Qu’elle adorait.
Mais ça, c’était avant.
Car un homme avait croisé son chemin, qui le lui ressemblait beaucoup. Et cet homme c’était Ashray Lewis Snyder. L’amour de sa vie. Pas la peine de rire, c’était la vérité. Keira n’avait jamais été aussi heureuse avec un homme et aussi elle. Ils étaient heureux ensemble, malgré les bas dans leur relation. On les enviait, et on rêvait d’être comme eux. Et maintenant quoi ? Elle était seule. Il ne lui restait rien. A si, un collier, et des milliers de souvenirs tous aussi douloureux les uns que les autres. Le pire de tout, c’était qu’il avait été le seul auquel elle ait accordé sa confiance. Déjà ça, c’était énorme. Mais en plus elle était tombée amoureuse de lui. Mais vraiment. Et ça c’était impossible à reproduire. Cela ne se produisait qu’une fois dans une vie de vampire. Et encore. D’autant plus que le vampire en question était Keira Jones. Donc, encore plus rare et inédit.
De ce fait, la seule pensée qui lui vint à l’esprit en voyant ce bel homme fut : « Qu’est-ce qu’il me veut ce con ? ».
Oui très sympathique. Pourtant, c’était à ça qu’elle ressemblait en temps normal. Froide, distante, sur le qui-vive, méfiante. Elle accepta la coupe qu’il lui tendait, impassible.

-Bonsoir mademoiselle. Permettez-moi de vous offrir un verre.

Ses mots glacèrent la brune. Son interlocuteur ne sembla pas interloqué par sa réaction car il prit place à côté d’elle. Cette dernière était pétrifiée. Elle avait rêvé. Oui oui c’était ça. A moins que le Ciel s’acharne sur elle avec sadisme. Parce que c’était bien ce que pensait la jeune femme. On ne la laissait jamais tranquille. A chaque fois il fallait qu’il y ait quelque chose qui la ramène vers son amant perdu. Y’avait de quoi être agacée. Elle fronça les sourcils d’ailleurs quand le nouveau venu osa lui voler sa cigarette. Sans aucune gêne apparente il tira plusieurs bouffées, exaspérant Kei sur le coup. Non mais pour qui il se prenait celui-là ?

-Je m’appelle Daniel. J’imagine que vous avez un délicieux prénom. Quel est-il ? Lui demanda-t-il avec un sourire éclatant qui ne fit ni chaud ni froid à sa « proie ».


Car oui, c’était ce qu’elle représentait pour ce mec. Une proie, une cible, une abrutie qui se laisserait aller dans ses bras avant qu’il la jette. Un humain en plus de ça. Hors de question de prendre des risques avec lui. Et puis même l’idée même n’était pas envisageable. Il ne fallait pas qu’il rêve. Donc il valait mieux le faire redescendre sur Terre. Elle savait que ce n’était pas la peine de l’envoyer boulet. Ce genre de mec se cramponnait quand la situation se montrait plus difficile, et donc plus intéressante pour eux. Le meilleur comportement a adopté était l’indifférence.

-Rien d’intéressant pour vous, se contenta-t-elle de répondre froidement.

Ensuite elle vida sa coupe. Lentement, elle ne voulait pas s’étouffer non plus. Elle n’aimait pas l’alcool normalement et n’en buvait jamais. Mais les situations hardes demandaient un peu de détente, et c’est ce que lui offrait ce liquide. Une présence arriva dans son dos et elle se tourna lentement. C’était Jamie.

-Kei’, j’ai trouvé celui que tu voulais voir. Tu viens ?

Il jeta un coup d’œil à Daniel, se demandant s’il avait interrompu quelque chose ou non. Keira se leva sans précipitation. Elle secoua la tête.

-Pas la peine, j’aurais d’autres occasions. Je préfère rentrer.

Devinant qu’il allait se sentir obligé de la ramener, elle le coupa d’un geste autoritaire de la main. Elle lui dit qu’elle allait rentrer à pied, que ça ne la dérangeait pas, qu’elle avait besoin de réfléchir. Jamie ne put rien faire d’autre que d’acquiescer. Il lui fit la bise pour lui dire au revoir, et Keira ne fit rien de plus, le visage de marbre. Jamie retourna à l’intérieur. Elle se tourna vers le dénommé Daniel, lui reprit sa cigarette et tira une dernière bouffée avant de l’écraser contre la marche. Elle se redressa, le surplombant sur le coup. Elle lui rendit la coupe, sans un sourire.

-Merci pour la coupe … Daniel.

Enfin elle tourna les talons et descendit les marches, les bras croisés sur sa poitrine. Oui une belle fille en robe courte et talons ça ne passait pas inaperçu mais elle n’avait pas d’autre choix. Elle passa devant une bande de gars assez éméchés, certains d’entre eux la sifflèrent mais elle ne leur accorda même pas un regard. Keira passa son chemin, l’esprit embrouillé.
Bientôt rattrapée par ses idées noires, elle fut contrainte de s'arrêter. Les gens la dévisageaient curieusement à son passage. Elle se faufila dans une ruelle adjacente, lasse, et s'adossa contre le mur. Elle ferma les yeux et soupira bruyamment. Quelle soirée. Elle se laissa glisser le long du mur, pour finir assise, la tête dans ses bras. On ne pouvait pas lui foutre la paix un peu ?

Décidément le monde s’acharnait sur elle. Keira n’avait même pas le droit d’être seule. Car oui, le fameux Daniel la rejoignit et il s’assit juste à côté d’elle. Quand elle leva les yeux vers lui, il lui proposa une cigarette. Bon, il n’était pas si con et lourd que ça. Elle accepta et tira quelques bouffées en même temps que lui. Il alluma celle de la jeune femme avant la sienne, malgré la difficulté que présentait le vent. Après quelques secondes, Kei céda et lui demanda ce qu’il voulait. Vraiment ça l’intriguait. Pourquoi se donner la peine de la suivre quoi.

-Je me disais juste que, pour une vampire, c’était peut-être une heure un peu tardive. Le soleil ne va pas tarder à se lever. Et ça ne sert à rien de nier. Je suis le cousin d’Ashray, je sais tout.

Double boom.
Ca, Keira ne l’avait pas vu venir. Mais du tout.
Il savait que c’était une vampire. Comment ? Déjà, ça la tourmentait. Et rien que le fait qu’il sache l’existence des vampires, et qu’il sait que c’en est une, justifierait le fait de le tuer. Ou de le transformer. Dans les deux cas Keira se le refusait complétement. Mais c’était sa vie qu’elle mettait en danger si elle faisait ça. Quel intérêt ? Pour sauver un inconnu ? Ah oui, le cousin d’Ashray. Déjà … Comment il la reconnaissait ? Ou même avoir pris la peine de l’interpeler et tout ça, surtout dans des circonstances pas trop innocentes non plus. A ce stade la jeune femme était pétrifiée, complétement abasourdie.
Daniel ôta ses lunettes et elle put rencontrer son regard bleu océan. Elle se crispa, le dévisageant avec effroi. C’était le même regard que lui.

-On me dit souvent que j’ai les mêmes yeux que lui. Vous pourriez peut-être affirmer ou infirmer cette thèse.

Elle va froncer les sourcils. Non mais il était con ou tout simplement stupide ? Il pensait vraiment qu’en faisant un hors sujet, dans ce style, elle allait zapper la bombe qu’il avait lâché avant ? Euh … Apparemment.
Keira se releva d’un bond et obligea Daniel à se lever aussi, se foutant complétement de sa cigarette. Elle fit en sorte de l’immobiliser contre le mur, sans le quitter du regard. Il était plus grand qu’elle, mais elle ne s’en formalisa pas. La taille importait peu. Elle tâcha de ne pas se laisser attendrir par ses yeux.

-Comment sais-tu que je suis un vampire ? Lui demanda-t-elle.

Une idée folle lui vint à l’esprit. Ashray l’aurait-il trahi ? Son cœur se serra à cette pensée. Il n’avait pas respecté sa promesse et avait parlé de sa nature au premier venu. Ce qui aurait pu les mettre en danger tous les deux. Même en étant mort, il continuait à faire des gaffes. Franchement, il fallait le faire.
Puis un autre point revint sur le tapis ; elle fronça les sourcils, vraiment intriguée.

-Et puis comment sais-tu qui je suis ? Tu ne m’as jamais vu.

Voyant qu’il voulait se dégager, elle posa sa main sur son épaule et le garda en place, contre le mur. Avec sa force ce n’était pas bien compliqué. Pourquoi se cacher ? Il était au courant.

-Ne t’avises pas de me mentir, je le saurais si tu mens.

Elle était vraiment sérieuse, son visage ne laissait rien exprimer. Ni sa curiosité, ni son doute : rien du tout. La jeune femme desserra son emprise sur lui, de façon à ne plus le coller contre le mur.

-J’ai le devoir de te tuer ou de te transformer rien qu’avec ce que tu viens de me dire. Tu ferais mieux de faire attention.

Daniel abordait un comportement tout à fait à l’aise, posé. Sa respiration cardiaque le lui prouvait. Keira entendait le bruit des battements de son cœur.

-Je sortais avec une vampire bien avant qu’Ashray ne te rencontre. Elle s’appelle Sisi Goldman. C’est la fille de David Goldman, lui aussi vampire et tu peux vérifier.

Pas la peine. Keira le sentait, l’entendait. Cette révélation la soulagea, elle devina sans difficulté la suite. Ce n’était pas bien difficile. Enfin, une partie.

-Lorsqu’Ashray te faisait la cour à New-York, il m’a demandé mon avis parce qu’il hésitait entre deux colliers et je lui ait conseillé celui-là. C’est un modèle quasi unique, c’est comme ça que j’ai su que tu étais sa petite amie. Comme il savait que je sortais avec une vampire, il m’a également confié ton secret, me demandant s’il fallait qu’il te dise que lui savait que t’étais une vampire dès le début ou non. Je lui ai dit non, d’attendre en dernier recours car avec Sisi on avait eu des ennuis. Il n’a pas trahis ton secret.

Keira pouvait comprendre Ashray, pourquoi il l’avait fait. Mais pourquoi ne pas le lui avoir dit ? Aucune idée. En tout cas, elle nota qu’il parlait de cette Sisi au passé. Avaient-ils rompus ? Elle jeta un coup d'oeil à son collier, ainsi, il l'avait reconnu avec ça. Drôlement observateur.

-Je sais que tu ne me feras pas de mal. Ashray m’a fait le portrait d’une jeune vampire raisonnable, censée, avec beaucoup de compassion et un grand sens humain. J’ai confiance.

Il ne devrait pas en être aussi certain. Aussi confiant, c’était stupide de sa part. Il ne la connaissait pas, il savait des choses sur elle juste par rapport à Ashray. Sinon il ne savait rien d’elle. Et encore moins comment elle était réellement. Car oui, son copain n’avait vu qu’une partie de sa personnalité. La bonne, si on peut dire. Il n’avait pas vu le mauvais côté de la pièce. Et donc, ce Daniel était inconscient. Totalement. Car il ne fallait pas négliger le fait que c’était un vampire. Et que depuis trois ans. Son self control était limité. Elle n’était pas aussi adroite qu’un vampire âgé d’un siècle. D’autant plus que depuis un mois elle se laissait complétement aller, et chassait plus régulièrement. Daniel avait deux raisons de se méfier d’elle.
Le jeune homme lui jeta un regard suppliant. Kei sentit ses dernières forces s’effriter …

-S’il-te-plaît Keira, lâche-moi, tu me fais mal.

… Avant de céder.
Keira plissa les yeux, l’expression un peu moins dure, avant de le lâcher. Il paraissait satisfait de son initiative. Par précaution elle recula, se retrouvant à deux pas de lui. Elle ne souhaitait pas qu’il y ait la moindre ambigüité entre eux.

-Tu devrais être moins confiant ; ton assurance pourrait être assimilée à de la stupidité.

Ce n’était pas faux. Elle ne devait pas lui montrer qu’elle était une « gentille vampire ». Car les apparences sont souvent trompeuses. Elle inspira calmement, et continua, pour changer de sujet.

-J’ai remarqué que tu parlais de cette Sisi au passé. Vous avez rompu ?

Elle croisa les bras sur sa poitrine, et se rendit compte de ce qu’elle disait. Elle se rattrapa, par précaution :

-Pas la peine de répondre de répondre si tu n’en as pas envie. Je suis juste curieuse.

C’était sa manière à elle de s’excuser pour son indiscrétion. Elle adopta un air moins doux, reprenant un calme olympien.

-Il ne m'a jamais parlé de toi.

Non, elle ne voulait pas prononcer son prénom à voix haute. Il avait bien du le remarquer. Mais tant pis.

Daniel fit mine de réfléchir quelques secondes avant d’expliquer :

-Un jour, je suis rentré à la maison, Sisi n’était plus là, il y avait juste un mot. Dedans elle m’expliquait qu’elle ne supportait plus la situation et qu’elle avait rencontré un vampire avec qui elle sera plus heureuse.

C’était dégueulasse. Laisser tomber leur histoire tout simplement à cause de la simplicité. N’importe quoi. Keira n’aurait jamais fait ce coups-là à Ashray.

-Sisi avait très peur que les autres vampires découvrent notre relation, donc, elle voulait qu’on soit le plus discret possible. C’est pour ça que j’ai demandé à Ashray de ne pas parler de moi.

Logique, mais il aurait pu lui en parler quand même. Il aurait pu lui faire confiance ; il savait très bien qu’elle n’allait pas s’amuser à le crier sur tous les toits. Surtout qu’ils étaient eux-mêmes dans la même situation.

-Ça vous dirait d’aller boire un verre avec moi ? Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas pour te sortir des trucs du style « t’as de beaux yeux tu sais », juste histoire de boire un verre.

Cette question la perturba tout de même. Au moins les intentions de Daniel étaient claires. Si bien que Keira n’était pas aussi mal à l’aise que si il lui avait direct proposé un verre. Elle savait qu’il n’espérait pas plus, alors cela la détendait. Et puis c’était le cousin d’Ashray, ils avaient l’air de bien s’entendre. Alors il serait sûrement content de la voir sympathiser avec lui. Il ne serait pas contre. Cette dernière pensée réussit à la convaincre. Elle accepta et il la conduisit tranquillement dans un bar. Malgré l’heure tardive il y avait encore quelques clients. Elle ne fut pas étonnée en entrant dans une sorte de café chaleureux, où un barman tenait le bar. Par contre les tables étaient en verres, encadrées par des petits fauteuils variant du bleu, du rouge et du vert. Ils s’installèrent à une table et Daniel commanda un Wisky. D’abord surprise, elle finit par se résoudre à l’idée que les deux cousins se ressemblaient sur de nombreux points. Quant à elle demanda un simple verre de vin. Elle n’avait pas besoin de grand-chose en fait. Le jeune homme lui proposa une nouvelle cigarette et qu’elle accepta.
Tandis qu’ils attendaient leur boisson, le regard de Daniel vira sur une table de billard non loin d’eux.

-Vous savez jouer ? Lui demanda-t-il en désignant l’objet.

Ça ne faisait pas longtemps qu’elle en avait joué. Il faut dire qu’elle en avait eu des occasions pour jouer à ça. Une réponse trop directe n’était pas son genre, de ce fait, elle lui dit d’une voix taquine :

-Si vous voulez vérifier, testez-moi.

Elle accompagna sa phrase d’un sourire en coin, sans joie pour autant. Elle se leva de son fauteuil et se dirigea tranquillement vers le billard. Elle caressa le contour avec l’une de ses mains, se rappelant les nombreuses parties qu’elle avait joué. La jeune femme ne se souciait pas du fait que son camarade pouvait avoir mal interprété sa phrase. Tant pis.
Ensuite, ils se disputèrent une partie, animée par quelques plaisanteries et taquineries. Cela dura une bonne dizaine de minutes avant que Kei enquille la dernière bille. Elle leva un regard triomphant vers son adversaire.

-Alors, pas trop déçu ? Lui dit-elle avec un sourcil arqué.

Elle contourna le billard et alla vite fait chercher son vere qu’elle descendit sans peine. Elle retourna voir Daniel et se planta devant lui.

-A propos de ce que vous m’avez dit tantôt, j’en suis désolée. Ça n’a pas dû être facile à gérer.

Le visage de Daniel changea totalement d’expression. Il avait l’air triste ; la question de Keira avait dû soulever des mauvais souvenirs.

-Bah, j’ai dû faire avec. Ce n’est pas vraiment comme si j’avais mon mot à dire dans cette histoire. Mais bon, je n’ai pas vraiment côtoyé d’autres femmes depuis, elle me manque toujours.

Elle le comprenait sans peine. Finalement il lui proposa de retourner s’asseoir. Après avoir accepté, ils discutèrent de tout et de rien. Le jeune homme en profita pour commander un autre verre de Whisky. Elle préféra ne rien demander de plus. Elle n’avait pas vraiment soif. Il osa même lui glisser deux ou trois compliments, sans que Keira devienne mal à l’aise. Avec lui elle était sûre que ce n’était pas de la drague. Son attitude le montrait bien. C’était compréhensible il pensait encore à son ex. Et elle au sien. Ils avaient juste besoin de discuter tranquillement avec quelqu’un qui comprenait. D’autant plus qu’elle était la copine de son cousin, ce qui ne faisait que les rapprocher. Enfin, l’ancienne copine …
L’heure défila, et Kei ne s’en rendit pas tout à fait compte. Il devait être environ cinq heures du matin. Il fallait vraiment qu’elle rentre. Elle se leva, et il lui proposa de la raccompagner. Bien qu’hésitante au début elle finit par céder.
Le chemin qui menait jusqu’à la maison qu’elle louait fut agrémenté de leur discussion. Ou sinon le silence planait, mais cela ne dérangeait aucun des deux. Ce n’était pas lourd mais bienfaisant.

C’est une fois devant sa porte qu’elle prit conscience du fait qu’elle avait passé une bonne soirée. Il semblait hésité tandis qu’elle avait entré les clefs dans la serrure de la porte.

-J’espère que malgré tout, vous avez quand même passé une bonne soirée en ma compagnie. Et si c’est le cas, accepteriez-vous de m’accompagner demain à la fête foraine installée à deux quartiers d’ici ?

Ce n’était pas une sortie en amoureux ou il risquait d’avoir un malentendu. Non, juste deux … collègues qui voulaient passer un bon moment en amis. C’est ce dont Keira était persuadé. Enfin, voulait croire. Elle n’avait pas besoin de plus pour l’instant. Le lendemain serait peut-être encore mieux qu’aujourd’hui. Elle n’avait rien à perdre.

-Pourquoi pas, ça pourrait être amusant.

Elle ouvrit sa porte, lui décocha un hochement de tête, le remercia de l’avoir raccompagné et lui dit au revoir.

**
*

Le lendemain, vers 20h, elle était déjà prête. Fraichement douchée, elle s’était laissé aller sur le canapé du salon. Elle s’était contenté du minimum : un jean slim taille basse, des bottines marrons, un chandail assorti et une veste en cuir. L’air blasé, elle attendait, avec un verre de vin mélangé à du sang. Quand la porte sonna enfin, elle le finit et se dirigea vers cette dernière. Elle l’ouvrit et décrocha un maigre sourire au nouvel arrivant avant de lui dire « Bonsoir Daniel ».

Ils passèrent un bon moment à la fête foraine. Keira fit de son mieux pour sourire, rire, mais le cœur n’y était pas. Néanmoins elle ne se couchait plus avec autant de mauvaises pensées. Cela lui faisait du bien de sortir avec quelqu’un, en terrain amical. Les rendez-vous se succédèrent toute la semaine. Passant des films, balades dans la vie, etc. Toute sorte de sorties aussi diverses. Keira se coucha, avec un peu moins de tristesse que le mois précédent. Plus tard elle devait aller à l’appartement de Daniel, juste avant le concert où ils avaient prévus d’aller. Cependant, sa nuit fut troublé par un événement choquant. Elle se réveilla lentement, plissant les yeux, et découvrit Ashray. Son Ashray. Penché vers elle, il lui dit :

-Keira, il faut sérieusement que tu arrêtes de t’accrocher à moi, je ne reviendrais pas. J’aimerais tourner la page et passer à autre chose mais je ne peux pas tant que tu t’accrocheras à moi. Laisse-moi, arrête de me pleurer, tu as fait ton deuil, c’est bon, oublie-moi, c’est le mieux pour nous deux.

C’est ainsi que Keira passa tout le reste de la nuit à pleurer. Ses mots étaient encrés en elle, la marquant à feu rouge. Ca faisait mal. Elle n’avait pas rêvé. Même si c’était le cas elle s’en fichait. Ca la blessait quand même. Il voudrait passer à autre chose, l’avait-il déjà oublié ? Avait-il trouvé quelqu’un d’autre … là-bas ? Rien que cette supposition lui fit mal au cœur. Ce qu’ils avaient vécu n’avait donc pas d’importance pour lui ? C’était ce qu’il disait. Ses paroles lui revenaient sans cesse, surtout les « Je ne reviendrais pas ». Oui, il était parti. Définitivement. Elle ne le reverrait jamais, ne verrait plus son visage, son sourire, ses yeux. Tout ça lui manquait. Il lui manquait affreusement. Tout le temps et toutes les méthodes du monde n’arriveront pas à la faire oublier.
Vers 18h, elle était déjà prête et partie de chez elle. Elle avait essayé d’effacer l’incident de la matinée, mais c’était plus difficile que ça en avait l’air. Elle avait dû prendre Dollars avec elle car il ne voulait plus être seul. Il s’était rendu compte qu’elle s’était mise à sortir régulièrement. Et naturellement, voulait savoir qui était son partenaire. Comment lui dire qu’elle n’oublierait jamais son maître ? Aucune idée. Quand elle sonna, elle eut la surprise de le voir arrivé en jean, torse nu, avec un verre de Whisky à la main. Elle se demanda si elle était arrivée en avance. Il s’excusa, l’air gêné, mais il oublia son embarras en voyant qui l’accompagnait. Il alla enfiler un tee-shirt tandis que Keira entrait chez lui. C’était joli. Mais elle ne se préoccupa pas du décor.
Elle remarqua alors que Daniel caressait frénétiquement Dollars, l’air ravi. Il devait avoir l’habitude d’avoir des chiens. Mais ce qui l’étonnait c’était le comportement joyeux du chien. D’habitude il n’aimait pas les étrangers.

-Tu peux lâcher Dollars, je suis sûr qu’il ne fera pas de dégâts dans cet appartement.

Oh oh. La jeune femme fronça les sourcils et lui demanda comment il était au courant de son nom. Il lui expliqua que la tâche sur son pelage lui avait fait penser au le signe du dollar. Pas convaincue pour autant, elle préféra laisser couler, remettant le sujet à plus tard. Ils discutèrent un peu de tout et de rien. Keira lui demanda à quelle heure commençait le concert, et il le lui répondit. Keira se dit qu’elle n’était jamais allée à un concert avec Ashray. Cela lui suffit pour la replonger dans la tristesse. Le regard dans le vague, les bras croisés, elle regardait un point au hasard. Quand Daniel l’appela, elle leva la tête, distraite.

-Excuses-moi, je pensais à autre chose.


Elle tripota ses doigts, encore confuse. Finalement elle craqua et regarda Daniel, l’air hésitant.

-Dis-moi Daniel, tu crois aux fantômes ?

-Oui, pourquoi ? Lui répondit-il, l’air inquiet

Oh. Keira n’ajouta plus rien, acquiesça lentement et baissa les yeux sur ses mains. Peut-être bien qu’il y croyait, mais elle non. Ça n’existait pas. C’était impossible. Avait-elle rêvé ? Si oui pourquoi n’avait-elle pas imaginé une scène romantique avec lui, qui lui dirait qu’il l’aimait, au lieu d’un message non personnel et disgracieux ? Etrange. Vraiment étrange. Elle espérait ne pas être folle. Elle avait envie de se confier mais craignait la réaction de Daniel. Il la prendrait sûrement pour une déséquilibrée ou un truc dans le genre. Elle fut néanmoins surprise en sentant ses bras autour d’elle. Au début l’embarras la gagna, mais elle se laissa faire au final. Ça faisait du bien, c’était réconfortant. Elle se blottit contre lui, incapable de résister à la tentation. Finalement elle se sentit mieux, et leva la tête vers lui. Il afficha un sourire tendre, le regard soucieux, et lui demanda si elle allait mieux. Elle haussa les épaules « Il le faut bien ». C’était vrai, il fallait qu’elle aille mieux. Tout le monde le lui disait. Elle-même était persuadée que ce serait mieux ainsi. Mais ce qui la bloquait, c’était son cœur. Lui ne voulait pas oublier, ni son visage, ni son sourire qui la faisait craquer, ni ses lèvres qui l’embrassaient, ni ses mains qui la caressaient tant de fois, ni ses yeux qui la regardaient avec tendresse. Rien de tout ça. Elle s’accrochait à son souvenir, ne voulant pas oublier tout ce qui s’était passé entre eux.
Tout à coup un aboiement retentit. Keira tourna la tête vers la source du bruit et découvrit Dollars, allongé, les mains devant ses yeux. Ce geste lui serra la poitrine. Que voulait-il lui dire ?

-Pourquoi il fait ça ? Demanda Daniel.

Elle ne répondit pas, observant le chien avec incrédulité. Il avait fait ça qu’avec Ashray. Et seulement lui. Dollars était un chien intelligent, il voulait sûrement lui dire quelque chose. S’il faisait ça alors que Daniel était présent, ça ne voulait dire qu’une seule chose. Il lui disait de continuer, d’oublier Ashray. Ou du moins, d’essayer vraiment. Voulait-il qu’elle oublie son maître ? Apparemment, c’était son message. Elle le prit dans ses bras, et le chien se laissa faire, levant son museau vers elle, avec ses grands yeux. Elle devait se laisser vivre et continuer. Et il souhaitait qu’elle le fasse maintenant, en commençant avec Daniel. Elle embrassa le chien sur le sommet de son crâne, et ferma les yeux, tout comme lui. La jeune femme luttait contre les larmes, mais se contrôla avec efficacité. Au bout d’une dizaine de secondes, elle se recula.

-Peut-être qu’il veut que j’oublie les fantômes du passé, lâcha-t-elle, d’une voix morte.

Elle soupira et caressa le chien, il jeta un coup d’œil à Daniel avant de s’installer confortablement sur les genoux de la vampire, tout à fait à l’aise. Sans pour autant quitter le visiteur du regard.

-Je crois qu’il t’apprécie, lui dit-elle. C’est marrant d’habitude il n’aime pas les étrangers.

Ce nouveau constat ne fit que la persuader de son hypothèse. C’était ça, il n’y avait pas d’autre explication. Elle tourna la tête vers Daniel. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres. Un petit, mais c’était déjà ça.

-Apparemment, tu réussis même à charmer les chiens. Tu m’épates.

Une idée lui vint à l'esprit. Elle perdit son sourire, et le regarda sérieusement. "Je peux vérifier quelque chose ?" lui demanda-t-elle. Quand il acquiesça, Dollars sauta et alla s'asseoir dans un coin. Keira regarda Daniel, le coeur battant d'appréhension, mais se décida à se jeter à l'eau. Elle se leva et se posta devant lui. En plongeant son regard dans le sien, elle en profita pour l'attraper délicatement par la nuque. Avec son autre main elle caressa sa joue, toujours en le regardant. Puis elle se pencha vers lui et posa ses lèvres sur les siennes, les yeux fermés.

Daniel paraissait surpris par son initiative, mais il finit par le lui rendre. Le baiser était doux, et chacun deux en fut affecté. Keira sentit son cœur se tendre, avant de redevenir plus léger. Ce n’était pas si mal. La culpabilité ne l’écrasait pas, comme elle aurait pu le penser. Et même à sa grande surprise, le baiser lui plus particulièrement. Quand elle se recula doucement, il ouvrit les yeux. Elle ne savait pas comment réagir. Sa réaction avait été précipitée, elle espérait qu’il ne l’ait pas pris mal. Il ne pipa mot, préférant tourner le regard autre part. Elle se mordit la lèvre, anxieuse. Peut-être que son geste était inapproprié.
Finalement il osa la regarder en face plusieurs secondes, avant de lâcher :

-Qu’est-ce que tu voulais vérifier ?

Il avait l’air hésitant, cela lui parut bizarre. Il était gêné ou quoi ? Le jeune homme cessa de la regarder, se concentrant sur le chiot qui dormait. Maintenant c’était à Keira d’être embarrassé. Elle se sentit con, très con même. Elle n’aurait jamais dû faire ça. Quelle idiote.

-Voir si je pouvais apprécier un baiser de quelqu’un d’autre.

Elle n’ajouta rien et recommença à se tripoter nerveusement les mains. Oui c’était un tic chez elle. Elle se recula, et passa une main dans ses cheveux ondulés.

-Je n’aurais pas dû faire ça, excuses-moi. Et si on oubliait ?

Elle inspira et fourra ses mains dans les poches de son slim.

-Et si on y allait ? Proposa-t-elle.

Il y avait peut-être une chance de sauver cette soirée.

Daniel acquiesça et prit ses effets personnels. Keira l’attendit le temps qu’il se prépare. Ils laissèrent Dollars ici, avec une gamelle contenant de l’eau. Ils sortirent de l’appartement, direction le concert. Ce dernier était vraiment pas mal. Elle appréciait le style, et le chanteur chantait vachement bien. L’ambiance était agréable, malgré les pensées qui revenaient. Avait-elle eu tort en l’embrassant ? Visiblement, car il n’était pas à l’aise sur le sujet. C’était évident, il pensait encore à son ex. Tout comme elle. Ça avait été un acte irréfléchi et stupide. Oui, c’était ça. En tout cas Keira se promit de ne plus recommencer. Elle risquerait de tout gâcher. Si ce n’était pas déjà fait. En fait il l’étonna quand il lui proposa un rendez-vous au cinéma le lendemain. Elle accepta, bien que surprise. Peut-être avait-il oublié. Tant mieux. Elle n’aurait pas apprécié le fait qu’il plane un malaise entre eux.
Bien évidemment, comme tous les autres soirs, il la raccompagna chez elle. Le silence persistait, et Kei n’osait pas le rompre. Il paraissait plongé dans ses pensées. Elle, de son côté, se sentait un peu mal à l’aise, ne sachant pas comment réagir. Une fois devant sa porte elle préféra écourter les séparations. Elle lui souhaita bonne nuit et ouvrit sa porte. Le jeune homme l’empêcha d’entrer en le retenant par le poignet. Quand elle le regarda, il lâcha son poignet et souleva son menton. Sans qu’elle puisse anticiper il l’embrassa. C’était un beau baiser, tendre, délicat, doux. Elle n’en n’avait jamais connu des comme ça, à vrai dire. C’était une première. Mais l’expérience n’était pas si désagréable.
Il se recula, et elle remarqua son sourire tendre.

-Je ne sais pas si tu avais apprécié tantôt mais j’espère que tu as apprécié celui-là et trouvé en quelque sorte ce que tu cherchais. Pour moi en tout cas, ces deux baisers, et surtout le premier pour justement sa particularité d’être le premier, furent véritablement magnifiques. Pour Dollars, je te le ramène demain avant le ciné, promis.

Ses mots lui firent une baume au cœur. Ainsi donc il ne regrettait pas, et avait même apprécié. Cela la rassurait. Après un baiser, il s’en alla. Le sourire aux lèvres elle pénétra dans l’appartement qu’elle louait, se sentant plus légère.


Le lendemain elle l’attendait en bas de son appartement, dans la rue. Vêtue d’une tunique rouge , d’un leggins noir et d’un long manteau assorti, ainsi qu’une paire de bottes. Adossée contre la porte, elle patientait. Quand elle entendit sa respiration et le bruit de ses pas, elle alla à sa rencontre. Une fois près de lui elle l’embrassa tendrement quelques secondes, avant de se reculer. Au moins, ça c’était fait.

-Bonsoir, on y va ? Lui dit-elle, avec un léger sourire.

-Oui bien sûr, tu es très belle ce soir. Et avant, on devrait peut-être laisser Dollars chez toi
Keira acquiesça et ouvrit la porte, Dollars s’y faufila et alla s’installer confortablement dans son panier. Puis ils allèrent au cinéma. Ils discutèrent calmement durant le trajet. Une fois sur place, Daniel paya le popcorn. Elle sourit, se serait sûrement plus cool de regarder le film avec quelque chose à grignoter. Dans la salle, ils parlèrent pendant que les pubs défilaient. Quand les lumières s’éteignirent et que le film commença, ils se concentrèrent dessus. A un moment, elle fit quelque chose d’irréfléchi. Elle posa sa tête sur son épaule. D’un coup, comme ça. Elle n’y avait pas trop réfléchit, mais voyant qu’il ne la repoussait pas, c’était un bon signe. Non ? Elle sentit son cœur se faire plus léger dans sa poitrine quand il entrelaça ses doigts au sien. Tout le long du film, il déposa quelques baisers dans ses cheveux. Ce qui la ravit.

Le film se termina au bout de deux heures. Keira se leva, et elle fut étonnée de voir qu’il ne lâchait pas sa main. Mais elle ne pipa mot, se laissant faire. En réalité elle trouvait ça agréable, et pas gênant, comme elle aurait pu le penser. Ses sorties cumulées l’aidaient à se sentir mieux. C’était bien. Elle ne se sentait plus seule. Et la tendresse que lui prodiguait Daniel excellait sur son moral. Ce ne fut qu’une fois arrivés devant son appartement qu’il la lâcha. Après un baiser, il lui souhaita une bonne nuit et la prévint qu’il l’appellerait aussitôt le lendemain. Ensuite, il partit. Elle ne se prit pas la tête et alla directement se coucher. Elle n’avait pas envie de faire grand-chose, sinon. Elle s’était rétablie au quotidien des humains grâce à Daniel. Cependant cela ne l’empêchait pas de faire ses activités vampiriques de son côté quand elle ne le voyait pas.

A 3h du matin, Keira fit un bond dans son lit, en sueur, tremblante. Encore un cauchemar. Elle soupira. Ce n’était pas la première fois qu’elle en faisait un. Cela s’était produit tout le long des deux mois écoulés depuis … Vous savez quoi. C’était vraiment réel. On aurait dit que c’était la réalité. C’était à cause de leur réalisme que la vampire flippait autant. A chaque fois qu’elle revenait de sa transe, elle était trempée de sueur, les battements de son cœur étaient réguliers, et elle ne se sentait pas trop bien, l’esprit encore brouillé par les images de son songe. Elle se leva, les jambes flageolantes et alla se chercher un verre d’eau. Elle en descendit trois, se sentant encore engourdi. Elle claudiqua jusqu’à son lit. La jeune femme s’asseye lourdement, vaincue. Elle n’allait pas réussir à dormir. En remarquant son portable qui reposait sur sa table de nuit, elle le saisit, ouvrit sa liste de contact. Elle s’arrêta sur un numéro et hésita longuement. Finalement elle se décida et appuya sur la touche « Call ».

-J’ai fait un cauchemar, j’aimerais .. j’aimerais te parler. Si ça ne te déranges pas.